Dans la série « passions du passé », je vais commencer par aborder la thésaurisation de la musique. Mais késako ? Que nous chante-t-il donc ? Du calme ! Je suis persuadé que si vous avez été adolescent entre, disons, 1980 et 2000, vous avez participé à ce mouvement…
Le jeu consiste à accumuler chez soi, sur cassettes audio, des enregistrement de ses musiques et chansons préférées. Par quels moyens les obtient-on ? Le moyen le plus simple, c’est d’enregistrer la radio. Simple, mais pas très sûr… Ah, que d’intros coupées ! Mais aussi, que de réflexes, que de bonds capricieux en direction des chaînes hifi ! Mais aussi, quelle satisfaction, lorsqu’on réussissait à capturer l’oiseau rare en entier, les premières mesures d’un « partenaire particulier » ou, selon les goûts, l’intro d’un « smoke under water » ! Parce que lorsqu’on avait réalisé un tel enregistrement, il nous appartenait, le bougre, on l’avait gagné à la sueur de notre front, au mépris de nos nerfs !
Bien entendu, on pouvait aussi repiquer le CD d’un copain (ou le vinyle pour les plus anciens…). Mais franchement, ça manquait de panache. Et puis est arrivé le MP3 et le téléchargement illégal. Alors là, plus aucun mérite, plus aucune finesse : les ados pouvaient tout avoir, sans effort, sans rien payer. Cependant, la thésaurisation continuait, même si elle était simplifiée.
Qu’en est-il maitenant ? La thésaurisation continue, par tous les moyens évoqués ci-dessus. Mais pour combien de temps ? Car si l’on peut toujours enregistrer la radio, l’industrie du disque rêve du moment où les diffuseurs pourront décider de l’enregistrabilité de leurs émissions (c’est prévu dans le standard de télévision HDMI). Et de toute façon, la copie privée sera limitée lorsque nous serons passé au tout numérique : alors l’archivage sur cassettes des morceaux enregistrés, le partage avec les copains… Et même chose en ce qui concerne l’achat de musique : si un morceau acheté (ou plutôt loué) ne devient pas illisible après une période définie, il le sera de toute façon lors de la péremption du support.
Je pense donc que les jours de la thésaurisation sont comptés. Tout se passe comme si nous étions en train d’abandonner le modèle de la propriété privée, dans certains domaines du moins. On ne pourra plus posséder sa copie, son enregistrement, bien à soi, effectué avec amour. Par contre, on sera gentiment invité à payer régulièrement pour continuer à écouter[1] un morceau sur lequel on n’aura aucun droit…
Les temps changent. Etant ado, je me suis passé en boucle mes propres enregistrements préférés, que de toute façon je n’aurais pas eu les moyens de m’acheter sur CD. Peut-être que la fin de la propriété privée, c’est l’avenir, c’est le progrès. Franchement, je n’en sais rien. Mais en tout cas, ça me fait tout drôle de penser que les générations futures ne pourront plus s’amuser et s’éveiller à la culture comme je l’ai fait…
[1] ou lire, cette réflexion ne se limite pas à la musique
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